Journal de Malrik Faërulea

245è jour de l'an 24854.

Voici maintenant 1 000 jours environ que je suis Empereur. Pourquoi écrire ce journal maintenant ? Car j'ai besoin de raconter notre histoire. Pour la postérité ? Oui, je ne veux pas que mon nom soit oublié...

Tout à commencé il y a plus ou moins 2 ans et demi. Je vivais tranquillement sur une planète du nom d'Onixia...

Alors jeune homme de bonne famille, je vivais, insouciant et tranquillement dans la maison de mes parents. J'avais 17 ans. Les jours passaient, il faisait toujours beau temps, je jouais en permanence, même en cours. Malgré cette oisiveté, j'ai eu mon examen d'entrée à l'école des officiers de l'empire.

Je me mis alors à travailler, à faire preuve d'assiduité en cours, mes résultats étaient exemplaires et j'étais premier de la promotion. Cette école était géniale, on nous apprenait à gérer un empire de la création de villes à l'organisation de l'administration.

J'arrivais déjà sur mes 19 ans, mes études étaient déjà proches de la fin, il ne restait que deux mois à travailler. Un soir, je sortais avec des amis, dans un bar des quartiers populaires de notre capitale. J'entendis des rumeurs sur une attaque de notre empire voisin, l'empire de Fengord, qui se trouvait à une dizaine d'heure de Transporteur Galactique. Mes amis s'esclaffèrent en entendant ces rumeurs, mais moi, je les écoutais attentivement : quelque chose me disait que c’était sérieux.

J'en parlais le lendemain à mes professeurs, mais aucun d'eux ne semblait accorder de crédit à cette rumeur, pour eux, nous étions en bons termes avec Fengord...

J'écrirai la suite demain, la nuit approche, et nous avons une centrale solaire à construire sur l'une de nos planète, on va avoir besoin de moi.

246è jour de l'an 24854.

Je suis épuisé !

La construction de la centrale s'est passé sans soucis majeur, nous sommes tombés sur un filon de thorium, minerai très rare, et j'ai fait déplacer le lieu de construction. Heureusement, les nanites permettent ces changements de dernière minute, sans perte de temps !

Plus que 4 à construire, pour celle de ce soir, c'est mon conseiller ingénieur qui s'en charge, après tout, je suis l’Empereur, j'ai le droit de me reposer de temps en temps : ces voyages en transporteur sont fatigants.

Revenons à mon histoire. J'avais donc parlé de cette rumeur à mes professeurs, sans approbation de leur part. Mais au fond de moi, je sentais que cette rumeur était fondée, je n'avais aucune preuve, mais j'en étais sûr ! Même mes amis, enfin, mes “collègues” en riaient...

Fatigué de ces railleries et de ces esprits si bien formatés par notre école, je décidai de rentrer le soir, alors que mes amis allaient encore boire un peu. Sur la route, je passai devant la maison d'un ami d'enfance, Tomsïk Rengulaë, un très bon ingénieur mais qui n'avait pas eu le concours, car malade à cette époque. Pris d'une envie de me confier à quelqu'un qui m'écouterait sûrement, je me risquai donc à sonner chez lui.

Quelle fut ma joie quand je vis son visage souriant, et qu'il m'invita à entrer chez lui ! Je me souviens encore de son appartement : deux pièces, plutôt classique, mais avec une table en fer forgé d'une remarquable facture et un lustre magnifique. Le contraste entre les meubles et l'appartement reflétait bien les différences qu'il y avait entre nous. Lui, enfant du peuple, et moi, enfant de riche. Mais cela nous importait peu, nous étions amis, et cela n'avait rien à voir avec nos origines.

Nous avons longuement parlé ce soir là, nous nous étions vu à mon entrée à l'école la dernière fois. Nous avons parlé ingéniérie, sa spécialité, mais aussi la mienne à l'école, nous avons parlé des nouvelles technologies en essor à ce moment là, le laser était en vogue, mais Tomsïk me parlai beaucoup plus de la technologie hyperespace qui, selon lui était déjà développée par notre empire voisin : Fengord...

Encore une fois, il se fait tard alors que j'écris ces lignes, je continuerai demain.

247è jour de l'an 24854.

Le sommeil m'a quitté aussi vite qu’il est arrivé cette nuit, je n'arrive plus à fermer l’œil. Ma femme dort paisiblement, elle, j’aimerais tellement en être encore capable.

Donc, après avoir appris que Tomsïk connaissait un peu ce qui se passait chez nos voisins, je lui parlai de la rumeur. Contrairement aux rires habituels qui suivaient ma présentation des choses et la conclusion à laquelle j'arrivais, Tomsïk me regardait, attentivement, ses yeux semblaient voir loin, très loin et il n'esquissa un sourire à aucun moment.

Lorsque j'eus fini de développer mon point de vue sur cette rumeur, il se passa quelques secondes avant que mon ami ne réponde. Nous avions le même âge, j'étais légèrement plus vieux d'une cinquantaine de jours, mais ses réflexions étaient souvent meilleures que les miennes, car plus libres. Voici ce qu'il me dit ce soir là :

  • Malrik, mon ami, je crois que tu as raison de croire en ces rumeurs. J'ai un correspondant dans cet empire, c'est pour ça que j'en connais tant sur leurs avancées technologiques. Nous communiquions par messages cryptés, sur sa demande, par le biais du réseau de transport de minerai entre Fengord et Onixia. Habituellement, nous discutions instantanément par ce moyen, mais il y a 80 jours environ, il m'a demandé de ne plus lui parler. Il travaille dans les bureaux de l'empire de Fengord, en tant que conseiller scientifique. Je n'ai pas eu plus de détails…
  • Peut-être qu'on le soupçonne de divulguer des informations à l'étranger. Ou alors, tu crois qu'ils l'ont évincé, car ils nous cachent des choses qu'il n'aurait pas fallu que quelqu'un l'apprenne ?
  • Peut-être, mais ce n'est pas suffisant pour accréditer de telles rumeurs... Il y a autre chose qui pourrait concorder avec ta rumeur. Tu parlais du graviton tout à l'heure ?
  • Oui, mais pourquoi ? Personne ne pense que cela est réalisable techniquement parlant, c'est à cause de ça qu'on m'a souvent ri au nez !
  • Même s'il ne me l'a pas dit, je pense que mon contact travaillait sur le graviton. Et récemment, l'observatoire impérial a signalé l'apparition plus qu'étrange d'un astéroïde parfaitement sphérique à quelques heures de transporteur d'ici... Ils ont signalé dans le dernier rapport public qu'il semblait se déplacer de lui-même.
  • Tu crois qu'ils auraient réussi à créer... une étoile de la mort ?

A ces paroles, je devins blanc comme un linge, en tout cas, je me sentais mal, et Tomsïk ne disait rien. Les étoiles de la mort étaient le Graal des militaires, l’arme absolue, encore un mythe pour beaucoup. Les destructeurs étaient les vaisseaux les plus robustes et imposants que l’on savait faire il y a 3 ans. L’idée d’utiliser le graviton pour détruire des flottes en un battement de cil en faisait malheureusement rêver beaucoup. Pas nous.

[...Changement de page...]

Je suis rentré chez moi ensuite. Sur le chemin, je repensais à tout ce qui se passait, ce que j'avais entendu ce soir. J'étais effrayé, paniqué, mais cela semblait trop improbable. Pourquoi est-ce que personne ne l'aurait dit ? Pourquoi l'alerte n'avait-elle pas été donnée ?

Je décidai d'ignorer cela, de croire que ce n'était qu'un cauchemar... Cauchemar que j'ai fait avant de rejoindre mon bureau pour ouvrir ce journal...

Les jours passaient, je n'avais pas revu Tomsïk, il n'était jamais chez lui. J'avais bientôt oublié cette histoire folle et me consacrais à mes études, l'examen de fin d'année approchait, et les professeurs voulaient me voir en tête de liste. D'ailleurs, je me souviens, tous avaient envie de cela, sauf une, il faut que j'en parle, elle a eu un grand rôle dans ma vie : la professeure Dahanessaë.

Cette professeure, enseignait l'art de la stratégie. Elle était très belle, avec une intelligence sans égale. Les étudiants la dévoraient des yeux en cours et ne parlaient que très peu de stratégie à son sujet. Ce qui m'intéressait le plus, personnellement ce n'était pas son physique, mais ses idées. De tous les cours, c'était le seul où je restais concentré durant 1h30. Elle était captivante, et sa façon de nous apprendre la stratégie était formidable. Vous voyez sans doute la stratégie comme la façon d'envoyer des flottes afin de tuer un maximum de gens en un minimum de temps, mais avec elle, ce n'était pas cela.

Pour elle, la stratégie était un art. Elle parlait des dernières grandes batailles de notre univers comme de vulgaires batailles, des charniers, des boucheries. Elle dénigrait tous les grands chefs de guerre tant de fois décorés car elle pensait que la stratégie est là afin que l'homme n'ait plus à se battre. Ainsi, elle nous enseignait l'art d'organiser nos troupes, de les former et surtout de former un empire en évitant d'engager le combat directement, un véritable challenge qui demandait une grande réflexion, et une grande volonté afin d'ignorer tous les concepts qui régissaient alors les guerres.

A cause de son point de vue, elle était souvent vue comme une utopiste, quelqu'un qui ne devrait pas être enseignant dans cette école. Et d'ailleurs, plusieurs fois, elle a failli être destituée de son poste au profit d'un autre enseignant, un homme, qui faisait partie de ces grands guerriers... Mais les élèves préféraient de loin cette jolie jeune femme à ces vieux hommes et plusieurs pétitions ont fait annuler ces décisions. Pas pour les bonnes raisons donc, mais c’était au final une bonne chose.

Je n'oublierai jamais cette femme, et les longs moments passés à débattre de ses derniers cours au réfectoire, sous l’œil envieux de tous mes camarades de classe. Ils pensaient que c'était parce que j'étais le premier de la classe que j'étais souvent là, à discuter avec elle, mais en fait, j'y étais car j’étais le seul qui avait assez écouté ses cours pour pouvoir en parler avec elle...

Lors de ces discussions, j'ai appris beaucoup, et notamment qu'avant d'être officier ou, peut-être, futur empereur, je devais rester humain et ne pas oublier les causes des guerres. Et le mieux, m'a-t-elle dit un jour, est d'éviter le conflit autant que possible. Je la croyais, en ces temps où les batailles faisaient rage dans l'univers et où la seule bonne façon de construire un bâtiment était qu'il le soit pour l'armée.

Le jour se lève, je n'ai pas dormi, on m’attend pour planifier le budget de l’Empire. Cette journée sera longue !

248è jour de l'an 24854.

Après une nuit blanche, il est beaucoup plus difficile de faire un peu de comptabilité, aussi simple soit-elle !

Quoi qu'il en soit, je suis sûr d'une chose, nous avons assez fait de commerce aujourd'hui pour construire une centrale solaire ce soir. Ce projet de centrales solaires, quel gigantisme quand même, il faut s'en rendre compte... Les usines de nanites produisent des nanites 24h/24 à un rythme endiablé pour que ces nanites construisent d'elles mêmes la structure de la centrale. Nous n'avons plus rien à faire, nous, humains.

Mais il y a deux ans, cela était encore différent. Je viens de repenser à la première visite que j’ai fait d'une mine de cristal. Nous étions encore aux balbutiement des structures métallo-cristallines, et cette mine, que l'on qualifierait de vieillotte et non rentable aujourd'hui était le fleuron de la technologie Onixienne à l’époque.

Nous étions un petit groupe, car visiter une telle installation à l'époque nécessitait beaucoup de précaution au niveau de la sécurité. 5, nous étions 5 exactement, le professeur de géologie, Marëlia Senyal, Gönfrec Darjaël, Fruliaë Darjaël et moi. Le professeur de géologie d'habitude d'un ennui extrême en classe était surexcité ce jour-là, il bougeait de partout, posait des questions, un vrai enfant ! Les ouvriers ont dû se demander qui surveillait qui... Marëlia était une jeune femme très belle, sans prétention, gentille, et possédait une culture hors du commun, elle devait être venue pour en apprendre plus encore sur le cristal et les structures métallo-cristallines. Gönfrec et Fruliaë (frère et sœur jumeaux) étaient ici car ils avaient choisi la spécialité géologie pour l'année suivante. Quant à moi, j'étais ici par simple curiosité. En effet, personne ne s'était bousculé pour venir visiter un bâtiment avec un professeur léthargique et il restait une place !

Nous étions arrivés le matin, tôt, à l'ouverture, vers le lever du soleil. Lorsque nous arrivâmes dans ce lieu perdu dans le désert, nous vîmes d'abord cette ombre noire immense grandir à mesure que la voiture approchait de la mine. Le soleil se levait en même temps que nous descendions de la voiture. Le spectacle était grandiose. On apercevait la centrale solaire qui faisait fonctionner la mine à quelques centaines de mètres de là. Le soleil venait frapper les gigantesques panneaux solaires et la lumière se reflétait avec des couleurs merveilleuses. Lorsque les premiers rayons atteignirent le sommet de la mine, nous fûmes frappés par la beauté de ce bâtiment. La première structure à base de métal et de cristaux se tenait devant nous : un cône majestueux dont le soleil caressait la pointe.

[...Croquis de la mine perdu avant publication du journal...]

Après ce moment d'émerveillement face au génie de l'homme, quelqu'un arriva et se présenta au petit groupe : c'était le responsable technique de la mine, un grand gaillard brun, les oreilles à la manière des elfes dépassant de chaque côté de son casque de chantier.

249è jour de l'an 24854.

Je n'ai pu finir de décrire cette visite hier, un problème est survenu lors des travaux sur une de mes planètes.

Sur la planète Thalwynn, la construction d'une 29è centrale solaire était sur le point d'être terminée que des débris de vaisseaux se sont brisés sur ses murs. En effet, nous avons été sondés par un empire voisin, et les lanceurs de missiles situés à quelques kilomètres de là ont pu les détruire avant même qu'elles n'aient pu détecter quoi que ce soit. Les sondes ont donc explosé et abîmé la centrale presque terminée...

Le problème lors de la construction de ces bâtiments, c'est que nous installons les boucliers une fois que la structure porteuse est terminée, ce qui laisse le bâtiment sans protection pendant un long moment. Je pense que dès demain, ou dans les 7 prochains jours, nous tâcherons de les installer différemment afin de ne plus risquer ce genre d'incidents.

Quoi qu'il en soit, nous avons eu de la chance, les sirènes ont bien fonctionné et tout le personnel présent, soit 6 personnes au total, a pu se mettre à l'abri. Encore merci aux nanites ! Sans elles, nous aurions eu des morts cette fois...

Enfin, revenons à cette visite, car cette esquisse ma foi peu réaliste (je n'ai jamais été un bon dessinateur) peut paraître bien étrange...

Nous étions donc dehors, face à ce bâtiment immense et notre guide commença par se présenter. Notre professeur reprit son sérieux habituel et laissa notre hôte commencer sa description :

"Vous voici donc devant la technologie la plus avancée de notre empire : les structures métallo-cristallines. Cette mine sert à extraire le cristal qui est contenu dans le sol de ce désert. Son architecture est propre à l'utilisation de composés métallo-cristallins, vous voyez ce grand trait noir en forme de tire-bouchon ? C'est ce qui permet la solidité de la mine."

Ces paroles m'étonnèrent, tout comme Marëlia. Comment un câble en tire-bouchon pouvait rendre une structure solide et résistante aux vents environnants ? Comme si notre guide lisait cette question dans nos regards, il continua :

"En réalité, ce n'est pas tant la forme que le remplissage qui permet cette solidité. Les composés métallo-cristallins sont ces plaques assemblées entre chaque "étage" de ce câble. Vous ne voyez peut-être pas ces plaques car on elles se fondent les unes dans les autres. Maintenant, si vous le voulez bien, nous allons visiter l'intérieur de cette mine."

Ainsi donc, c'étaient ces plaques la révolution technologique dont on nous parlait si souvent. Marëlia, les jumeaux et notre professeur étaient impressionnés. Ils regardaient notre guide et la mine avec des yeux d'enfant.

"Nous voici donc au cœur de l'installation. Vous voyez à votre gauche les robots mineurs, nous les envoyons dans le trou de forage, chaque unité est complètement autonome pour une durée de 2h30. A votre droite, le pôle de tri et de conditionnement. Le minerai est déposé sur ces tapis roulants et trié par ces capteurs (il nous montrait des taches noires sur des armatures métalliques). Et au centre du bâtiment, le tour de forage. Il tourne grâce à l'énergie apportée par la centrale solaire, sa capacité de forage est de 30m par heure. Autour de ce tour, vous voyez le magasin de rallonges qui sont ajoutées automatiquement. Il sert aussi de monte charges afin d'envoyer les robots mineurs.

Grâce à la structure du bâtiment, ils peuvent creuser dès 10m de profondeur dans toutes les directions. Nous creusons des galeries tous les 10m ensuite toujours dans les 8 directions cardinales : Nord, Sud, Est, Ouest, Nord-Est, Nord-Ouest, Sud-Est et Sud-Ouest, ce qui garantit la stabilité de la mine.

Nous produisons actuellement 22 tonnes de cristal pur par jour."

Ce chiffre était alors énorme, mais aujourd'hui, nos mines produisent 22 tonnes à l'heure et ce, sans améliorations...

Cette visite s'est terminée par une discussion technique dont les détails me paraissent un peu lointains et par un repas avec l'équipe des ouvriers qui étaient alors une centaine à travailler sur cette installation. Notre professeur avait repris son attitude exaltée et Marëlia et moi avions discuté longuement sur les différentes possibilités d'améliorer une mine de ce type...